CHAPITRE V
Visite à l’île
LE LENDEMAIN, tante Cécile prépara un repas froid. Elle avait projeté d’accompagner les enfants jusqu’à une petite crique des environs où ils auraient la possibilité de se baigner et de patauger à loisir. Le temps s’annonçait splendide et le programme de la journée était agréable. Malgré tout, dans le secret de leur cœur, François, Mick et Annie auraient bien préféré aller visiter l’île de Claude. Cela leur aurait fait mille fois plus de plaisir.
De son côté, Claude n’était pas tellement enthousiasmé par ce pique-nique : non qu’elle détestât cette sorte de distraction, mais parce que la présence de sa mère l’empêchait d’emmener Dagobert. Et une journée entière sans le cher Dago lui semblait comme un jour sans soleil. « Pas de chance ! murmura François qui devinait la pensée de sa cousine. Mais je n’arrive pas à comprendre pourquoi tu ne dis pas à ta mère que tu as gardé Dagobert. Je suis sûr qu’elle ne verrait aucun inconvénient à ce que tu l’aies mis en pension chez Jean-Jacques. Maman, à la place de tante Cécile, n’y trouverait rien à redire.
— Je veux que personne ne connaisse le secret de Dagobert… que vous autres ! déclara Claude avec fermeté. À la maison, vois-tu, j’ai tout le temps des ennuis. Je ne prétends pas qu’il n’y ait pas de ma faute, mais c’est bien fatigant. Papa est très irritable. Il ne vend pas très bien les livres scientifiques qu’il écrit et il ne peut nous gâter comme il le voudrait, maman et moi. Tout ça n’arrange pas son caractère. Par exemple, il voudrait m’envoyer dans une bonne pension, mais il n’en a pas les moyens, Moi, ça m’arrange. Je n’ai nulle envie d’aller en pension. Je préfère rester ici. De la sorte, je ne suis pas obligée de me séparer de mon cher Dago… Au fait, qu’est-ce que je disais ?… Ah ! oui ; que papa se mettait facilement en colère et me punissait souvent. Eh bien, s’il savait que je possède Dagobert, il aurait plus de facilité encore pour me punir.
— Pourquoi n’aimerais-tu pas aller en pension ? demanda Annie. François, Mick et moi sommes tous trois pensionnaires et cela ne nous ennuie pas du tout.
— Moi, ça me déplairait, affirma Claude. Je détesterais me trouver au milieu d’une foule de filles qui mèneraient un tapage infernal autour de moi.
— Tu crois ça, dit Annie. Mais, en réalité, c’est au contraire très amusant d’avoir des compagnes. Et cela te ferait grand bien, Claude, j’en suis persuadée.
— Si tu commences à m’énumérer ce qui me « ferait grand bien », je vais te prendre en grippe ! s’écria Claude en roulant des yeux féroces. Papa et maman ne cessent de me rabâcher d’ennuyeux conseils… tout le contraire de ce qui me plaît, précisément ! Si tu t’y mets toi aussi !
— Là, là, ne te fâche pas ! intervint François avec un bon rire. Ce que tu peux être soupe au lait, tout de même ! Ma parole, je crois qu’on pourrait allumer une cigarette avec les étincelles qui jaillissent de tes yeux ! »
La boutade fit rire Claude malgré elle. Il était impossible de faire grise mine à François qui se montrait, lui, toujours de bonne humeur.
Le pique-nique se déroula sans histoire et les enfants se baignèrent à plusieurs reprises. Il faisait si bon nager parmi les vagues claires, sous le beau soleil brillant ! Claude, faisant preuve de gentillesse, apprit à Annie la manière de bien nager.